Des instants de lumière libérés du temps
“Homme libre, toujours tu chériras la mer” (Baudelaire)
« La composition, la lumière, la couleur n’ont plus désormais pour fonction première de mettre en évidence la forme ; elles mènent leur vie propre » (Wölfflin)
Les yeux de Francesca Alongi savent voir. Grâce à une intensité de sensation extraordinaire. Un sentiment qui est participation vitale, jamais sentimentalité
La dialectique et la polarité entre la ligne et la couleur, qui traversent la tradition picturale occidentale et ont été magistralement définies et étudiées par Heinrich Wölfflin, sont toujours d’actualité. La peinture de Francesca appartient définitivement à la tradition qui privilégie la couleur. Une couleur riche en nuances et en variations, toujours vibrante, aussi bien lorsque la lumière qui imprègne l’image est pleine et ensoleillée que lorsque la lumière est faible, uniforme et couverte. Après tout, la peinture de Francesca se rapporte à une capacité particulière à saisir et à faire vibrer soit la lumière méditerranéenne de midi, soit la lumière nordique, la chaleur et le froid. Le coup de pinceau fluide mais vigoureux investit le champ de l’oeuvre et vise instinctivement à restituer les vibrations de la lumière qui animent la vision. Surtout dans les paysages mais aussi dans les portraits, les nus, les natures mortes…
L’œuvre finie trouve son équilibre dans la fusion des éléments.
L’ardeur fulgurante, l’heureuse abondance de couleur sont si hautes qu’elles subliment la contingence du réel pour projeter la vision jusqu’à la limite de l’extase.
Le flegme minutieux, la précision rigide sont étrangers à la peinture de Francesca. L’image est toute imprégnée par l’élan vital.
Et ce n’est pas un hasard si la mer inspire particulièrement ce tableau. La mer sous toutes les latitudes, la mer dans ses infinies variations. Mer Méditerranée, tantôt calme, tantôt orageuse, avec des céruléens et des bleus profonds explorés le long des côtes ligures, ou mer sondée le long des côtes islandaises, avec des blancs et des bruns froids mais intenses.
Le coup de pinceau impulsif accompagne dans son ductus les mouvements vitaux des formes, des phénomènes naturels, d’une même lumière, jamais immobilisée et toujours en action.
Des frissons courent sur les terres brunes, les mers profondes, les cieux nuageux de rêve. A l’aube, comme à midi, comme au coucher du soleil.
Il serait vain et superflu d’enquêter et de proposer des références à la tradition de la peinture moderne et en particulier à certaines déclinaisons du post-impressionnisme ou de l’expressionnisme allemand. Cette peinture juvénile est assurément printanière, jaillissante.
La sensibilité visuelle de l’auteur, lyriquement tendue et en même temps maîtrisée, s’affirme également dans ses œuvres photographiques. Son œil carré photographique rivalise et s’accorde avec l’œil pictural. Certaines de ses images photographiques ne sont donc pas moins extrêmement prégnantes que les images picturales. Et même dans celles-ci la capacité à faire vibrer la gamme chromatique dans des valeurs lumineuses est fortement affirmée.
Giovanni Fanelli, professeur de l’Université de Florence
Paris, octobre 2021
Exposition « Il pianto dei poeti »
Le prix du jury est attribué à la toile « Mediterraneo ». Une image qui s’inscrit dans la lignée poétique des peintres de Ligurie. De couleurs francs, qui se superposent dans la danse du soleil couchant
Christian Humouda, critique d’art
Chiavari, juillet 2021
Textures organiques
Après une maitrise en philosophie, cette artiste italienne a fait l’expérience des ateliers de gravure à Urbino, a obtenu le diplôme des Beaux-Arts de Gênes, puis a poursuivi ses recherches à la faculté d’Arts Plastiques à Paris. Ce parcours se reflète dans les déplacements subversifs qu’elle opère dans ses photos. Elle contourne la mode, les mélanges, le métissage. A partir d’éléments naturels – feuilles, champignons, etc. – Francesca Alongi creuse la matière de son regard jusqu’à nous offrir la vision d’une texture qui est à la fois évocation des touchers et des odeurs d’objets minimes et étrangement familiers.
Maria Letizia Cravetto, autrice et philosophe
Paris, novembre 2004